MA PETITE ENTREPRISE
Etre libre comme Papa
Les mois passent et le soufflet médiatique entourant mon exploit sportif retombe peu à peu. Les gens que je croise me perçoivent désormais comme un coach sportif, un rôle pourtant éloigné de ce que je suis et de ce que je veux renvoyer comme image. Je peine à concrétiser le moindre projet lié à mon cœur de métier : répliquer mon défi à une échelle plus modeste, sous la forme d’un relais de 50 km. Avec le recul, je réalise que j’étais peut-être simplement un peu trop en avance sur mon temps.
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour partager une anecdote sur ma petite entreprise. Un jour, en faisant le tri dans des cartons datant de ma période du bac, je suis tombé sur des livres, des classeurs, et même des dossiers de présentation d’oral. En parcourant l’un de ces dossiers, issu de ma soutenance du bac, je fais une découverte inattendue : j’avais déjà évoqué les contours de mon entreprise actuelle. La lecture de ce document m’a même fait sourire. Cette idée, que je croyais récente, avait en réalité germé bien plus tôt dans mon esprit, puis s’était comme enterrée dans mon inconscient pour ressurgir des années plus tard, sans que je fasse le lien avec mon passé d’étudiant.
En attendant que les entreprises évoluent dans mon sens, je choisis de répondre à leurs attentes : Pendant près de 10 ans, j'organisais des animations de cohésion d’équipe lors de journées de rassemblement. Ces événements variés incluaient des olympiades, des ateliers culinaires, la construction de bolides en aluminium, ainsi que des jeux directement inspirés des lieux d’accueil.
Parmi les moments marquants, je me souviens de cette expérience unique : faire pédaler des participants sur des vélos d’appartement à 126 mètres de profondeur, au fond de la mine bleue (tiens tiens mon lieu de départ du défi). L’énergie ainsi produite à la dynamo permettait d’éclairer l’espace et de reconstituer un puzzle (une tête de mineur), créant ainsi une activité à la fois ludique et unique.
J’ai aussi eu l’opportunité d’organiser des journées dans un parc boisé, où se trouvaient un château abritant un musée et des bunkers de la Seconde Guerre mondiale. J’y organisais des épreuves par équipe, guidées par un carnet de jeu. La thématique de l’animation s’était imposée naturellement : le musée étant dédié à la communication, le défi central était « communiquer entre vous pour réussir ensemble ».
Travailler ponctuellement sur ce site m’avait donné une sensation particulière de boucler à nouveau la boucle. J’y avais postulé pour un contrat d'alternance en parallèle de mon bac Pro, démarche qui n’avait pas abouti, mais avec du recul, je réalise que travailler dans le domaine du bricolage avait été une bonne chose et une étape importante dans mon parcours.
En tout cas, j’ai toujours veillé à insuffler une dimension santé dans toutes mes activités. Bien sûr, tous les collaborateurs d’une entreprise ne peuvent pas pratiquer une activité sportive, mais mon objectif était au moins de les inciter à bouger à un moment donné lors des sessions de team building.
Pour cela, je m’adaptais aux différents profils en constituant des équipes équilibrées. J’ai ainsi créé des épreuves variées, allant d’activités physiques à des défis plus cérébraux, afin que chacun puisse y trouver sa place et contribuer à la dynamique collective.
Ce qui m’a réellement plu dans mon activité, c’était le défi constant d’imaginer de nouveaux formats pour fidéliser mes clients. J’ai eu la chance de collaborer avec certaines entreprises sur plusieurs années, ce qui m’a contraint à sans cesse me réinventer pour leur proposer des expériences inédites et captivantes.
Très rapidement, j’ai élaboré une approche innovante pour mieux accompagner mes clients : « la mécanique des 4 A ». Ce concept s’appuyait sur des rouages colorés, chacun répondant à une question clé : Que faut-il faire pour… être en forme ? Car être en forme, c’est aussi être plus performant dans son travail. Et une équipe en forme … produit plus et mieux.
Cette approche repose sur trois piliers physiologiques essentiels :
- Le rouage vert : Absorption, dédié à la manière d’alimenter notre « machinerie ». Cela englobe l’alimentation bien sûr, mais aussi l’hydratation, et même des choix comme la consommation de drogues, les médicaments ou d'autres substances.
- Le rouage orange : Activité Physique et Sportive. En d’autres mots l’entretien des capacités physiques, qui ne se limite pas qu’au sport. Ce pilier inclut toutes les activités physiques, qu’il s’agisse de bricolage, de ménage ou encore du fait de privilégier les escaliers aux ascenseurs.
- Le rouage bleu : Accus, qui concerne la récupération des efforts. Cela inclut le sommeil évidemment, mais aussi toutes les pratiques de relaxation ou de lâcher-prise.
Ces trois rouages physiologiques convergeaient pour alimenter un rouage central, le violet : l’Affect, qui représente l’aspect mental et l’état d’esprit. Car maintenir un bon équilibre mental est essentiel pour naviguer sereinement au quotidien.
Pour illustrer mon idée, prenons des exemples concrets : Après une mauvaise nuit de sommeil, il devient difficile d’arriver au travail le sourire aux lèvres, n’est-ce pas ? ou une alimentation trop riche risque de vous faire somnoler une partie de l’après-midi générant ainsi une baisse de votre vivacité intellectuelle ? Ou bien encore une position statique pourrait entrainer très rapidement des douleurs lombaires et vous focaliser sur celles-ci ?
La qualité de ces rouages interconnectés influence directement notre bien-être global et nos performances.
Pour mieux maîtriser ce rouage essentiel, j’avais participé à un stage intensif de deux semaines consacrées aux techniques de préparation mentale utilisées par les sportifs de haut niveau. Ce tête-à-tête avec un coach mental m’avait permis de recevoir rapidement des outils pratiques pour construire un véritable état d’esprit de « winner ».
Durant cette formation, j’ai découvert que la préparation mentale s’apparente finalement au développement personnel. J’ai appris à mesurer l’impact subtil mais puissant des mots et leurs vibrations, ainsi que l’influence fascinante de certaines pratiques, comme les chants religieux, sur les croyances et l’état d’esprit.
Bien que je n’ai jamais eu l’occasion d’accompagner un athlète de ce calibre, cette expérience aura profondément enrichi ma propre réflexion et finalement mon moi intérieur. Un exercice en particulier m’a marqué pendant ce stage : le formateur m’avait demandé de fermer les yeux, et de visualiser une image de mon avenir. L’image qui m’est apparue en premier était celle d’une scène entourée de rideaux rouges. Un signe ? Peut-être.
Quoi qu’il en soit, la mécanique des 4 A m’aura également permis d’intervenir dans des formations dédiées aux gestes et postures. Mon approche visait à souligner l’importance d’être en forme pour prévenir les blessures et maintenir un bien-être général. Je débutais souvent mes sessions en rappelant qu’après une bonne nuit de sommeil, il est plus facile d’éviter de se tordre une cheville sur une palette, ou qu’être suffisamment gainé peut épargner des lombalgies. Je radote ? Non, il est juste important de rappeler les évidences.
Ces formations incluaient des échauffements adaptés, et je proposais même des siestes après le repas, au grand bonheur des stagiaires. Ces moments de relaxation s’inscrivaient dans une démarche d’équilibre global, entre effort et récupération, permettant aux participants de mieux assimiler les pratiques enseignées.
J’avais également eu l’occasion d’explorer des thématiques complexes, comme le stress. Je me souviens d’un client qui m’avait mis au défi d’aborder ce sujet sans jamais utiliser le mot "stress" — un peu comme Voldemort, dont on ne prononce pas le nom, dans Harry Potter. Ce défi m’a poussé à m’adapter en abordant cette problématique sous l’angle de l’intelligence émotionnelle, une approche qui a su marquer les esprits. J’avais demandé au client de nous rapprocher d’une salle d’escape game possédant un casque virtuel. Nous avions proposé à chaque participant le jeu de la poutre dans le vide. Le site nous avait même fourni une poutre légèrement gondolée pour optimiser la sensation d’instabilité.
Et puis, ce que j’appréciais par-dessus tout dans mon activité, c’était mon rythme de vie, cette précieuse liberté. Une liberté qui me rappelait celle de mon père, travaillant à son propre rythme, sans dépendre de qui que ce soit. Ce fameux pouvoir sur le temps, sans avoir à rendre de comptes à personne. Enfin, presque… à mon épouse, qui me rappelait, avec justesse, de transférer l’argent du compte professionnel vers le compte personnel.
Cette indépendance avait ses avantages, mais aussi ses inconvénients : l’absence d’un salaire régulier en fin de mois et la nécessité de véritablement remettre les compteurs à zéro à chaque début d’exercice comptable. Les premiers mois de l’année me mettaient toujours un peu sous tension, dans l’attente des sollicitations pour ma période haute, entre juin et juillet, où se concentrait l’essentiel du business. L’incertitude du lendemain était un véritable sacerdoce, comme pour bon nombre de petites entreprises telles que la mienne. Une année prospère pouvait, sans raison apparente, être suivie d'une année plus compliquée.
Ce qui est sûr, c’est que j’ai toujours opté pour le prix de cette liberté au détriment du confort et de la sécurité.
Les années 2010 se sont donc déroulées sans trop de turbulences. Je prenais un réel plaisir à créer et animer, à voir les salariés, plongés dans un contexte différent de leur travail, redevenir des enfants en participant à mes formats. Mon activité, bien que modeste en termes de marge, suffisait à subvenir à mes besoins. À vrai dire, je n’ai jamais eu de grandes ambitions financières, sûrement en écho aux valeurs éducatives transmises par mes parents. Mon père avait cette phrase qui me revient souvent : "Compte toujours avant d’acheter, et jamais après".
Les fameuses soirées réseaux, ou « the place to be », étaient un passage obligé : écouter, échanger, manger, boire, rester debout et multiplier les poignées de main. Ces soirées m’ont permis de tisser de nombreux liens. Mais dans cet univers où chaque sourire pouvait cacher une intention bien précise, il fallait savoir distinguer les opportunistes des sincères.
Il y avait toujours ce type de personnage, le "relou" celui qui te prenait au piège dans une conversation interminable, son regard scrutant déjà la prochaine personne à conquérir. Son discours bien rôdé alternait entre un bilan dithyrambique de ses réussites et un projet « révolutionnaire » dont il te vantait les mérites pendant de longues minutes. Tu acquiesçais mécaniquement, ton verre à la main, attendant une ouverture pour t’éclipser.
Avec le temps, à Angers – une ville où tout le monde finit par se connaître –, je ne distribuais plus de cartes de visite, me contentant d’entretenir mon image… et mes poignées d’amour ! Mais il faut le reconnaître, certaines affaires pouvaient se conclure par ce biais, à condition de savoir décoder les vrais échanges des fausses intentions."
Pendant cette décennie, avec un autre indépendant, nous avons eu l’idée de créer notre propre réseau. C’est ainsi qu’est né un club associatif centré sur le sport. Le concept était simple et porteur : chaque mois, nous nous retrouvions pour découvrir et pratiquer ensemble une nouvelle activité sportive. Puis nous clôturions cette séance transparente par une troisième mi-temps pour échanger sur nos business.
En tant que président, animateur et organisateur de ce club, j’ai eu la chance d’explorer une grande variété de sports tout en créant des moments de partage et de convivialité uniques. Ces rencontres sportives ont enrichi nos liens professionnels tout en nous permettant de sortir de nos routines respectives.
Mais, comme tout bon bénévole qui se respecte (ma seconde expérience de président dévoué d’association), mon action d’animateur dépassait parfois les priorités de mon activité principale. Je peinais à justifier le rapport entre les bénéfices et le temps investi, au-delà du plaisir de partager de bons moments avec d’autres chefs d’entreprise. Peu à peu, l’énergie m’a manqué, et j’ai fini par prendre la décision de fermer l’association, d’autant plus qu’aucun membre ne souhaitait reprendre la présidence.

Jour d'animation de cohésion d'équipe